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Dahomey, messagère de l'âme ...

Jument noire née à Minorque, Baléares, Espagne ... appartient à la race PRM (pure race minorquine)


"Une jument noire comme la nuit danse avec son ombre sous la lumière de la lune"
"Beaucoup de gens associent le cheval noir aux chevaliers maléfiques et aux renégats, mais cet archétype universel représente quelque chose de plus profond que ce mépris irréfléchi. Du point de vue de l'aristocratie mexicaine, Zorro chevauchait tel le diable, son magnifique destrier noir. Mais si l'on n'y regarde de plus près, le guerrier masqué agissait pour le compte de populations réprimées, piétinées par un régime corrompu et narcissique, les aidant à reconquérir leur liberté et leur dignité. Et c'est ainsi chaque fois que nous sommes obligés de faire face à ce que l'égo rejette tellement rapidement dans "l'ombre.
(...) L'ombre est ici le fourre-tout qui contient tout ce que nous avons refoulé par le biais de notre conditionnement social. Apprendre à faire la distinction entre les impulsions véritablement destructrices et "l'or pur" caché dans les régions infernales de notre psyché est l'une des compétences mise en oeuvre dans le processus visant à récupérer notre pouvoir personnel. L'appel à explorer ce potentiel inconnu prend souvent la forme d'une jument noire -jument qui peut littéralement se transformer en notre pire cauchemar si nous refusons le voyage qu'elle représente.
(...) Dans les rêves et les mythes, pour les humbles âmes courageuses qui aspirent à vivre enfin selon leurs valeurs de compassion et de collaboration, cette force explosive devient le véhicule d'une conscience élargie, une source d'inspiration, d'innovation. (...) Les cultures et civilisations ayant un penchant misogyne sont promptes à diaboliser le cheval noir.
(...) L'expérience avec ses patients a amené Carl Jung à reconnaître les images de chevaux noirs comme des manifestations de la sagesse féminine longtemps négligée émergeant de l'inconscient collectif.
(...) La sagesse du cheval noir nous défie d'oser nous lancer hors des sentiers battus de la pensée civilisée. (...) Cet archétype universel promeut des connaissances habituellement rejetées par le grand public : l'instinct, l'émotion, l'intuition, la conscience sensorielle et extrasensorielle et le partenariat homme/animal généralement associé aux cultures tribales.
(...) Bouger en accord avec un être qui n'a pas été conditionné par les schémas formatés de la pensée humaine, les préjugés, les tabous sociaux, peut éveiller cette sagesse jusque-là muselée, sagesse intuitive, non verbale, centrée dans le corps.

(...) En fin de compte -et assez ironiquement- lorsque le cheval noir nous rend visite, il est temps pour nous de revendiquer la majesté -et le mystère- de ce que signifie "être pleinement humain". (L. Kohanov, La Voie du Cheval)

Ma rencontre avec Dahomey (en second plan sur la photo), alors qu'elle avait environ deux ans, a été impressionnante, dans tous les sens du terme. D'abord parce qu'à cet âge, sa taille ne passait pas inaperçue : elle était déjà au-delà du standard pour sa race. Ensuite, parce que lors d'une interaction où je cherchais à faire respecter ce que je pensais être mon cercle vital, elle s'est dressée de toute sa hauteur devant moi, démontrant ainsi qu'elle avait quelque talent pour le bôt, la singularité cultivée chez les chevaux minorquins et qui s'exprime lors de la fête traditionnelle de la St-Jean : les étalons fendent au galop la foule agglutinée dans les rues très étroites puis se lèvent pour exécuter des Bôts (prononcer "bott"), cette figure particulière qui consiste en ce que le cheval se cabre et se déplace en équilibre sur plusieurs mètres, voire dizaines de mètres, pendant que les spectateurs le touche comme porte-bonheur.


J'ai compris ce jour-là que j'avais un bon bout de chemin à parcourir vers une version de moi-même à la fois plus subtile et plus authentique pour pouvoir dialoguer avec fluidité avec cette puissance explosive.


Quelques temps plus tard, elle a commencé à présenter des troubles sur les postérieurs, principalement à l'arrêt, se traduisant notamment par l'impossibilité de les conserver en l'air lors du curage des sabots : son postérieur tremblait dès qu'il était levé, ce qu'elle faisait plutôt brusquement, et il retombait tout aussi brusquement quelques secondes après. Après l'avoir montrée à un aéropage d'éthiopathes, d'ostéopathes, de vétérinaires, Valérie Pasco-Lebis, enseignante de l'école d'éthiopathie de Rennes, a trouvé ce dont Dahomey était atteinte : un shivering, atteinte neuro-musculaire qui fait fonctionner les deux chaînes musculaires antagonistes, créant une crampe douloureuse, d'où l'impossibilité de tenir le postérieur levé. Les symptômes se voient à l'immobilité, mais pas dans le mouvement -ça ne veut pas dire que la locomotion est facilitée et fluide, seulement que le mouvement masque cette atteinte (le shivering fera l'objet d'un prochain post).


Sur les conseils de Valérie, Dahomey et moi avons longtemps pratiqué, entre autres, des exercices au pas, notamment sur des barres au sol puis légèrement surélevées, pour aider Dahomey à conscientiser son arrière-main et ainsi recréer des circuits d'information pour pouvoir peut-être un jour bouger son arrière-main consciemment et non en mode réflexe de "je n'arrive pas à sentir ce que je fais avec mes postérieurs". C'est indiscutablement anxiogène pour elle et rend l'approche équestre non pas impossible, mais plus complexe.


Son état s'est considérablement amélioré au fil du temps grâce à une collaboration sincèrement engagée et transversale avec notre équipe de soignants : podologues, ostéopathes, faciathérapeute, shiatsuki. Ce qui permet maintenant d'espérer pouvoir consolider son physique parce que nous nous sommes tous branchés ce que Dahomey faisait et fait sur le plan émotionnel et mental. Ces circuits s'activent bien avant qu'il y ait quoi que ce soit sur le plan physique, et il faut toute une vie pour arriver à travailler avec le ressenti.


"Il ne faut jamais aller contre le rythme. Même l'informe et l'invisible ont un rythme" (Musashi, Maître samouraï du XVIIe siècle)

Le travail au sol remis en place avec Dahomey s'inspire fortement de celui de Klaus Hempfling, lu et relu à maintes reprises depuis que je l'ai découvert en 1997. Son art de la longe flottante et sa recherche de l'équilibre parfait dans la liberté se font sur un chemin spirituel et non d'après une méthode. Sa "voie du chevalier" faite d'éveil et de confiance me parle : l'humain ne peut recourir qu'à ses seules qualités personnelles d'aide, de mentor, de guérisseur et de leader exemplaire -pour lui-même avant tout, afin de pouvoir les utiliser avec les chevaux-, à son langage corporel et à son éveil propre pour donner au cheval une envie irrépressible de venir vers lui, simplement parce qu'il désire véritablement la proximité de cet humain. Je précise me considérer humblement comme un "bébé chevalier" ...


Dahomey sublimée ... comprenez Dahomey qui se porte, seule, sans avoir besoin d'être tenue entre l'assiette et les mains pour lui donner une belle attitude ... C'est l'objectif que je cherche au sol. C'est là que se trouvent la magie et l'authenticité, qualités que je recherche avec un cheval : elles doivent briller et émouvoir, à la fois en mouvement et immuable. Une gratitude infinie envers Poscig qui m'a guidée sur ce chemin.


L'image qui s'impose en moi pour la suggérer à Dahomey par le biais de l'isopraxie* : une jument bondissante, montrant à quel point elle est vivante, heureuse et pleine d'énergie ... Il n'est pas question de la forcer, mais plutôt de suggérer, par une communication à la fois très concrète et claire, faite de gestes précis par exemple (autant qu'ils peuvent l'être alors que j'explore moi-même ce chemin) ou une suite d'informations sous forme de gestes et d'énergies. J'expérimente les émotions et les sensations sous forme d'échanges muets qui sont transmis à Dahomey sous une forme sans équivoque et très palpable par elle. Mes incongruences ne sont pas un problème à la condition que plus vite je m'occupe de mes ressentis en les réintégrant lorsqu'elle me signale dans son comportement que je suis "à l'ouest", plus vite nous pouvons reprendre le dialogue.


Un impératif primordial à mes yeux : je dois irradier la joie et l'admiration de la jument -et les ressentir sans masque car il est impossible de tromper Dahomey, pas plus qu'un autre cheval. Cette pratique ne naît pas de la répétition monotone et du labeur acharné, mais d'un vécu en perpétuelle évolution ...


Retrouver un rythme relationnel proche du monde naturel et nomade, l'harmonie physiologique, permettant aux corps de se régénérer sainement ...


Et toucher du doigt "l'être ensemble" dans sa simplicité dépouillée ...


Martine

Avril 2020


* Le terme « d'isopraxie » a été défini par Mac-Lean (1990) : « comportement dans lequel deux ou plusieurs individus

s'engagent dans la même sorte d'activité,et, ainsi, communiquent ». Mac-Lean ajoute que l'isopraxie est essentielle au

maintient de l'identité des différentes catégories du groupe social. Toutefois, le concept était déjà présent chez

Lorenz (1937) qui constate que « les amorces d'actes, qui ne sont en fait que des ébauches inachevés d'actes

déterminés », qu'on nomme aussi "mouvement d'intention" acquièrent secondairement une fonction d'induction de résonance chez les congénères, qui se transmet d'un individu à l'autre chez les espèces sociales. La découverte des neurones miroirs par Rizzolatti (1990) ont permis d'éclairer ce concept sous un jour nouveau.

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